Entretien [Lullaby, Elliot]

Elliot était entré dans le bureau, l'air décidé quoique le regard hésitant. Légèrement. Ses cheveux blonds en bataille mettaient en valeur son regard azur. Il était plutôt beau. Et jeune. C'était rare que d'avoir un flic de cet âge à mes côtés. Enfin, moi aussi, je n'en étais pas arrivée à la trentaine. Donc... Je souris. Si possible, on pourrait bien s'entendre. Qui sait? Je haussai les épaules, autant rapport à ma réflexion qu'à ses dires.
- Comme d'habitude... On est tellement mal barrés avec lui... Il aurait fallu qu'il soit un peu plus con. Enfin... Envoie les indices ? Qu'est-ce que tu as constaté ? Enfin, je devrais pas te tutoyer, riai-je. Désolée.

Les mains jointes devant le visage, écoutant son rapport d'une oreille attentive, je fermai les yeux lorsque je me rendis compte à quel point l'enquête stagnait. Une barre transpercait ma tempe depuis le début de la matinée, et cette nouvelle ne fit que grossir la douleur.
Je secouai la tête. C'était n'importe quoi. Ça semblait trop gros, ce meurtre, tout ça, et pourtant tout était parfaitement orchestré, comme une partition où chaque note se differencie de la précédente, si bien qu'on ne peut deviner laquelle viendra ensuite. Voilà, ce crime était un morceau de musique. Et moi et Elliot devions en trouver les bémols.
- On a des preuves autres que la parole de Mark? Ça se trouve il est complice, même contre son gré. Et le troisième dossier...? Quand aux deux autres larrons, je ne sais pas si on doit les enlever de la liste. Mais plutôt indiquer que l'on les suspecte moins. Enfin... Tu en pense quoi?

Les informations arrivaient par flots, mais encore rien d'intéressant. On éliminait encore quelques pistes sur des milliers. Ce n'était pas comme ca qu'on allait trouver qui l'avait buté... Si seulement... Si seulement quelque chose venait, là, nous sortir de l'abîme où nous nous étions embourbés... Une idée, un souvenir, une petite information pouvant servir de clé... Mais malgré mes réflexions, rien ne me venait en tête.
- Selon la façon d'opérer du tueur, tu y verrais quoi, toi? Un adulte? Un gamin? Ou meme un flic? Dis moi ce que tu pense, Elliot, parce que là... On est bloqués.

Je secouai la tête. Sérieusement ? On aurait dit un argument d'écolier de maternelle. Mais bon. C'était son avis. Je pris une grande inspiration, et répondis:
- Je pense que tu conclus ça trop simplement. Mais bon, si c'est ce que tu ressens... Tu n'as pas remarqué un élève en particulier.. ?
Me rendant compte de la légère affection que je commençais à éprouver pour lui, je lui souris, d'une manière naturelle qui m'étonna moi-même

Mes mains agrippèrent la liste telles des serres. Je n'aimais pas ces espèces de préjugés. Les cancres étaient juste des jeunes un peu fragiles en quête d'identité. Pas forcément des assassins. Je plissai le nez. Les tueurs étaient parfois au contraire de ceux qui ne faisaient pas de vagues, et qui se lâchaient d'un coup de toute la pression accumulée. Je les plaignais, comme je plaignais ces pauvres "cancres" qui se trouvaient dans la ligne de mire de nombreux crétins enragés et pressés de trouver le meurtrier. Si seulement je pouvais les défendre... À contrecœur, je lus la liste d'un œil distrait. Quelques noms me disaient quelque chose, mais rien d'énorme, disons. J'articulai à l'attention d'Elliot.
- Tu m'as l'air d'un mec bien. Tu crois que je peux te faire confiance?
Chassant une mèche ébène de devant mes yeux, je l'interrogeai de mon regard vert.